Le matin même, l'ordre de mission avait été envoyé. Dans la nuit du 6 au 7, la pension de l'île devait être surveillée, dans le cadre d'un éventuel prochain vol. Encore un. Il s'agissait surtout de voir comment était construit le système de sécurité de la maison, s'il y en avait un. Parce que dans un tel oasis de verdure et de gentillesse, Rafaël en doutait beaucoup.

Qu'importe ses opinions, la gitane s'était mise en route. Et dire qu'elle sortait à peine d'une autre mission il y avait tout juste quelques heures. Ses lèvres s'entrouvrirent pour libérer un léger soupir las. Il faisait nuit déjà lorsqu'elle s'était mit en route, et le ciel était devenu encore plus noir à son arrivée à Roza. Ici, pas de lumière artificielles. Juste le calme et la forêt. Après encore plusieurs minutes de marche, la brune arriva en vue de la pension Pokémon. Elle haletait légèrement. Sa cuisse, après l'épisode du casino, était encore douloureuse et malgré elle, la jeune femme boitait légèrement. C'était surtout très fatiguant de prendre autant sur soi. Ce qui était sûr, c'est qu'elle n'aurait pas dit non à une bonne nuit de repos. Thane, de sortie à ses côtés, veillait sur sa dresseuse. Le Sablaireau était prêt à bondir pour la rattraper si jamais elle vacillait, malgré son petit mètre de boule de pics. Le Pokémon incarnait la gentillesse à l'état pur.

« Tu sais, ça sert à rien de prendre mon apparence quand on est pas en cambriolage. Je vais finir par croire que tu me trouves irrésistiblement beau... » entendit-elle, venant d'un peu plus loin.

Surprise, la brune redressa la tête. Oh ! Cette voix. Elle s'approcha du bâtiment d'un pas un peu plus rapide, s'arrêta devant une forme assise. Thane, plutôt content, s'approcha de l'autre forme debout, reconnaissant sans peine le Pokémon qu'il considérait comme son ami. Rafaël, quant à elle, dévisageait le garçon assis au sol. En toute franchise, elle n'avait pas été au courant de sa présence sur l'île. Elle n'avait plus vu le jeune homme depuis plusieurs mois. Sans doute que la team avait apporté un renfort supplémentaire, et cela voudrait dire qu'ils avaient trouvé sur Alera de quoi rester plus longtemps. Pauvre île.

- Je ne savais pas que c'était toi, déclara doucement la gitane.

Elle l'observa un instant encore, avant de s'appuyer contre le mur elle aussi, mais debout. La nuit était noire. Vraiment, qu'est-ce que c'était que cette mission de surveillance ? Qu'allaient-ils pouvoir bien faire ici, si ce n'était attendre que le temps passe ?

- Quand es-tu arrivé ?

Après un petit moment de silence, Aaron daigna enfin répondre à sa question. Rafaël n'avait pas souhaité l'interrompre, sachant très bien qu'il lui fallait souvent un petit moment de réflexion avant de répondre. Disons que cela faisait partie de son charme.

« Hmmm, un quart d'heure... une demi-heure... une heure ? Peut-être deux. J'en sais rien. »

Une réponse pour le moins évasive, qui amusa Rafaël dont les yeux pétillèrent un instant. Elle resta pourtant égale à elle-même, plutôt fermée d'apparence. Et en signe d’acquiescement, elle hocha légèrement la tête. C'était peut-être elle qui était en retard, alors. Elle s'interrogea une seconde en regardant Oze et Thane bavarder avec joie. Ces deux-là s'étaient toujours très bien entendus.

Néanmoins, la gitane prit un léger air étonné quand le Métamorph anthropomorphe s'approcha d'elle pour lui tendre un objet délicat. Elle le prit doucement, et l'observa un instant avant de comprendre ce que c'était, lorsqu'elle put l'ouvrir. C'était sûrement un objet de valeur, vu la brillance de son or, l'épaisseur de son miroir et la poudre fine qu'il contenait. Bien évidemment, Rafaël ne se maquillait pas, mais elle apprécia le cadeau. Sans doute son âme d'enfant, qui ne recevait guère de présent. Elle inclina la tête.

- Merci, Oze.

Elle referma doucement l'objet. Si elle le pouvait, elle le rendrait à son propriétaire, mais c'était évidemment mission impossible. Combien y avait-il de touristes sur cette île immense ?

« Reafan. »

Interpellée, Rafaël leva les yeux vers Aaron, puis vers son oiseau sombre. Ah, visiblement, le présent ne plaisait guère au corbeau, qui ne se cacha pas de le montrer. La gitane le fixa un moment, attendant que son dresseur ne se décide à se calmer sans se permettre d'intervenir. Elle n'oserait pas. Thane, quant à lui, s'était rapproché de sa dresseur, son regard noir et luisant fixé sur le Cornèbre. S'il se permettait un seul geste de travers... couic.
Fort heureusement, Aaron trouva le truc qui permit de calmer l'oiseau. Une jolie bague, évidemment elle aussi volée, qui fit le bonheur du corbeau voleur.

« Excuse-les hein. Ils sont vraiment fatigants », fit l'autre sbire.

Rafaël secoua doucement la tête. Pas de problème, elle comprenait. Rangeant alors l'objet dans son sac, histoire de ne pas énerver un peu plus l'oiseau sombre, elle s'approcha un peu plus d'Aaron, le dépassa pour regarder de l'autre côté du mur de pierres contre lequel il était appuyé. Pas de bruit, mais il ne faudrait pas qu'ils se fassent repérer. Ils passeraient sinon un mauvais quart d'heure. Soupirant intérieurement, elle revint auprès du jeune homme et s'assit alors contre le mur elle aussi, à ses côtés. Sa cuisse était encore blessée, et elle était fatiguée. Et puis, ils devaient seulement surveiller. Personne ne viendrait les attaquer à une heure pareille de la nuit.

- Tu as vu quelqu'un en arrivant ? Demanda-t-elle doucement. Je ne pense pas qu'il y ait de système de surveillance très perfectionné ici. Peut-être juste des Pokémon qui montent la garde à l'intérieur.

Autant dire qu'elle préférait rester ici qu'aller voir à l'intérieur. Certains Pokémon pouvaient se montrer très féroces s'ils étaient dangereux. Il n'y avait qu'à voir son Onix ou Kali, l'Hippodocus qu'elle peinait encore à dresser.

Voici que le Sablaireau penchait la tête, sitôt imité par son modèle joueur. Tête penchée d'un côté... de l'autre... Oze imitait toujours le mouvement, d'un air parfaitement sérieux et malgré tout aussi souriant qu'à ses débuts. Pour le moment, le Pokémon belette l'observait faire, remuant peu. Il ne semblait pas dérangé, mais sans doute que ça ne tarderait pas. Quoique, la belette était d'une patience absolue.

« Je n'ai vu personne. Et s'il y a des pokémons, alors ils sont tout de même assez mauvais pour ne pas nous avoir repérés et chassés. Conclusion : R.A.S. » 

Rafaël, posée elle aussi contre le mur, lui jeta un regard perplexe. Vraiment, rien à signaler ? La gitane doutait que les Pokémon ne soient pas entraînés à protéger leur territoire, surtout un lieu aussi convoité qu'une pension Pokémon. Il y avait toujours là-bas des spécimens rares. La brune regarda la maison, puis les alentours nocturnes. Néanmoins... un lieu aussi optimiste et positif que Roza ne souhaitait peut-être pas se montrer agressif. L'île voulait surtout évoquer une attitude positive, dans toutes ses villes. C'était parfois un peu bête... et une aubaine pour ces rapiats de la Team Rocket.

« Cet uniforme ne te va vraiment pas... » entendit-elle alors.

Surprise par ses mots, la brune leva les yeux vers son coéquipier. Mais elle n'eut le temps de rien répondre qu'Aaron ajouta presque aussitôt une suite de phrases continues :

« Je veux dire... Tu n'as pas la tête adéquate. … Enfin, par tête adéquate, j'entends par là que t'as pas une tête de sbire. La tête des méchants quoi. Tu vois ? … Enfin bon, ne te sens pas obligée de le porter si tu n'en as pas envie. Parce que t'en as pas envie, ça se voit bien. » 

Perplexe et silencieuse, la gitane observait tour à tour Aaron, puis sa copie métamorphée qui prenait un air consterné en secouant la tête. La gitane eut alors un léger sourire amusé et elle baissa le regard, lissant machinalement les plis de la jupe noire qu'elle portait. Il faisait chaud, cette nuit, enfin assez tiède pour qu'elle ne porte pas de pantalon, elle qui n'aimait guère les vêtements trop féminins ou trop vulnérables. Elle tira un peu dessus pour l'amener vers ses genoux en soupirant, et regarda Aaron.

- Bien sûr que je n'en ai pas envie... mais qu'est-ce que ça change ?

La sbire posa le regard sur Thane, qui cherchait gentiment le Métamorphe en limant ses longues griffes. Qu'il l'imite, s'il était capable de faire un aussi joli son que lui. Rafaël ferma les yeux et ramena les jambes contre sa poitrine. Sa blessure la lança un peu et elle grimaça une seconde.

- Mais je suis d'accord, ça ne me va pas.

Elle rouvrit les yeux en entendant des pas familiers s'approcher d'elle. Thane ? Non, son regard était différent. Et il se transforma. Rafaël écarquilla les yeux lorsqu'elle vit soudain son parfait reflet en face d'elle. C'était... perturbant. Rien à voir avec son reflet dans un miroir.

« Tu t'es déjà demandé ce que ça faisait d'avoir une sœur jumelle ? »

En toute sincérité... non. Elle recula un peu, et Oza bougea. Elle étendit les jambes... et Oze remua. Elle hésita, leva la main... et Oze l'imita. Perplexe, la gitane n'osa plus bouger l'espace de quelques secondes, puis elle jeta un coup d’œil à son coéquipier.

- Eh bien... non... mais je le sais, maintenant.

Thane s'approcha de sa dresseuse, éberlué de voir deux Rafaël à présent. Évidemment, il savait lequel était le Pokémon, et laquelle était sa dresseuse. Alors il s'approcha de la vraie Rafaël et faisant face à Oze, il hérissa un peu ses piquants en tentative polie mais suffisante de lui faire arrêter cette mascarade. Rafaël, elle, était plutôt en train de se regarder, stupéfaite. C'était la première fois qu'elle se voyait ainsi... et c'était vrai que vu comme ça... elle avait vraiment une poitrine généreuse. Trop, même. Elle essaya discrètement de tirer un peu sur son t-shirt d'uniforme pour qu'il soit moins près du corps, mais ce fut vain car Oze, la voyant faire, l'imita à la perfection. La belle rougit.

- … tu peux lui demander d'arrêter ? Marmonna-t-elle à son ami.

Ok, c'était affreusement gênant. Comment Aaron supportait-il ça à longueur de journée ?

« Tout. »

A cela, Rafaël resta silencieuse. Pour elle, rien n'était aussi simple. Malgré son caractère farouche, elle se devait de rester soumise, car sinon... La gitane ferma les yeux un moment. Non, elle, elle ne pouvait pas se permettre de désobéir.

Lorsque Oze prit son apparence, la jeune femme fut vraiment décontenancée. Ça n'avait rien à voir avec la simple vision de son reflet dans le miroir, c'était déroutant, peu agréable. Surtout que Rafaël n'était pas le genre de personne à beaucoup se regarder. D'ailleurs, elle remarqua qu'il fallait vraiment qu'elle fasse quelque chose de ses cheveux. Ils avaient poussés, et il n'avaient jamais été autant en bataille. Bref. Quand elle demanda à Oze d'arrêter, le Métamorph reprit aussitôt l'apparence de son dresseur. La brune soupira de soulagement, ignorant le rire – quelque peu déroutant - du Pokémon. Seul Thane lui jeta un regard de proche. Qu'il ne se moque pas d'elle.

« Ça fait toujours bizarre au début. Je crois que j'ai mis du temps à m'y habituer, déclara alors Aaron. Ça fait tellement longtemps, à vrai dire... »

La jeune femme le regarda en silence. Elle comprenait, bien sûr, qu'il fallait beaucoup de temps pour s'habituer à une telle chose. Personnellement, Rafaël ne l'aurait sans doute pas accepté. Il fallait sûrement pour accepter cela, s'aimer un peu soi-même. Cependant, la gitane n'eut rien le temps d'ajouter, qu'Oze brilla à nouveau. Et ce qu'il devint les laissa tous les deux bouche bée. Perplexe, Rafaël posa les yeux sur ce qui semblait être Aaron... plus jeune ? Avec facilement cinq à huit ans de moins, si ce n'était plus.

« Oze, franchement, je... Je pense que ça suffit, hein... » marmonna le garçon.

Revenant un peu à elle, la brune leva les yeux vers Aaron, et elle fut surprise de le voir si écarlate. Elle n'avait pas l'habitude de le voir aussi gêné. C'était presque amusant à voir. Pour peu, elle eut un petit sourire amusé, alors qu'Oze paraissait toujours aussi fier de lui. Aaron était mignon, à cet âge, mais la jeune femme se garda bien d'en faire la remarque. Elle ne voulait pas le gêner davantage.

Oze aurait pu continuer son petit manège un instant encore, et embêter un peu plus son dresseur, s'il n'y avait pas eu un bruit soudain. Elle crut entendre un cri d'oiseau dans la nuit, peut-être Reafan, ou bien un autre oiseau nocturne qui les prévenait d'une arrivée soudaine. Rafaël se redressa vivement, et Thane hérissa ses épines.

- Shh, souffla-t-elle.

Quelque chose approchait. Un Pokémon, ou bien un homme ? Des bruits de pas un peu lourds, le genre qui se fichait d'être silencieux ou non. Rafaël échangea un regard son Sablaireau, qui comprit et s'éloigna à pas silencieux pour espionner les environs. Si c'était quelqu'un lié à la Pension, ils feraient mieux d'être discrets...

Le son n'avait de cesse d'approcher, toujours plus lourd, toujours plus inquiétant. Pour peu, on aurait dit qu'on corps était traîné par terre, car il n'y avait nul bruit de pas. Seulement l'inquiétante impression que quelque chose d'énorme rampait, solitaire et désespéré. Rafaël sentit tout son sang se glacer.
Un Pokémon de la pension ? Un ennemi ? Thane avait lui aussi sorti ses griffes, dans le silence le plus complet.

Quand elle vit Aaron s'approcher en direction du bruit, Rafaël tendit mécaniquement le bras vers lui dans le réflexe inquiet de le retenir, mais trop tard, le garçon avait déjà filé, aussi silencieux qu'une ombre. La gitane hésita. Rester ici, à couvert, ou bien s'approcher elle aussi ? Ils étaient en mission tous les deux, mais ils n'étaient pas associés. Cependant, si son camarade était en danger, nul doute qu'elle bondirait à son aide avec ses maigres forces.
Mais il n'y eut pas de bagarre.

La surprise pétrifia Rafaël à son tour quand elle fut parvenue derrière Aaron. Qu'est-ce que c'était... que ce Pokémon ? Il ne ressemblait à aucune bête connue à ce jour. D'ailleurs, on aurait plus dit un objet qu'un Pokémon... Le Sablaireau, qui sut tout de suite que la bestiole n'était pas dangereuse, s'approcha auprès du Miaouss pour observer l'étrange créature. C'est à ce moment que la brune remarqua qu'il était emprisonné, d'où l' affreux bruit précédent. Quelle horreur, qui pouvait bien faire ça ? Le Pokémon coloré semblait au bord de l'épuisement. Il faisait vraiment peine à voir.

« Si je te libère, tu restes avec nous. »

Le voleur s'était approché de la créature à la suite de son Pokémon. Rafaël, silencieuse, l'observa faire avec surprise. Voulait-il le capturer ? A tous les coups, c'était parce qu'il semblait valoir cher. Elle voyait la même étincelle de luxure dans les yeux de ses Pokémon. Amusée, elle ferma les yeux un instant. Elle n'était pas là pour le juger, et elle ne le ferait jamais.

En un éclair, le Pokémon fut capturé. Il était visiblement heureux de faire partie d'un équipe, et cela suffit à rassurer Rafaël qui se contentait d'observer la scène d'un œil curieux mais non distrait. En même temps, elle continuait d'observer les alentours. Il ne fallait pas que cette apparition les distrait de leur mission nocturne. Thane, revenu à ses côtés, reniflait tranquillement l'air. Ça avait l'air d'aller.

« Voilà une bonne chose de faite. »

En entendant la voix de son camarade, Rafaël l'observa de nouveau. Elle eut un discret sourire et observa la masse colorée flotter dans les airs.

- Quel étrange Pokémon... Je n'en avais jamais vu de semblable. Il ne vient pas de la montagne, c'est certain. Et puis...

Elle baissa le regard sur la chaîne de métal lourd étendue sur l'herbe et fronça les sourcils d'amertume. Ce genre de pratiques était tout simplement inhumain.

- Qui a bien pu lui faire ça ? C'est horrible.

« C'est ironique de la part d'une sbire », entendit-elle répondre.

La remarque lui fit lever les yeux. Sarcasme. Silencieuse, la gitane observa un moment le garçon avant de reposer le regard sur le Pokémon atypique. Ironique, avait-il dit. Oui, peut-être, elle ne savait pas. Elle ne se considérait pas comme une sbire, pas comme un membre de la Team, alors elle ne savait pas ce qu'il était ou non autorisé de penser. Quand quelque chose la révulsait, Rafaël en faisait part, point.
Et elle espérait quelque part ne jamais perdre cette innocence.

« Plus sérieusement, je suppose que tu as du voir pire au sein de la Team Rocket. Et si c'est pas le cas... Ça va pas tarder.»

Aaron parlait avec conviction, sans émotion. D'une voix basse et monotone qui effrayait presque la gitane. Si, elle en avait vu des choses. Des choses horribles. Des morts, de la violence. De la torture et des horreurs qui n'avaient même pas de nom. Mais quand même, chaque nouvel acte n'avait de cesse d'étonner la gitane. De l'ébranler. Même si personne ne le comprenait.

Le Sablaireau frotta doucement sa tête contre la jambe de la jeune femme, attirant l'attention de Rafaël qui eut un sourire rare. Elle se pencha pour la caresser affectueusement.

- Quand même, souffla-t-elle pour elle. C'est horrible.

La vision de ce Pokémon blessé semblait avoir renoué les liens entre les Pokémon et leurs dresseurs. Dans l'ambiance morne de cette nuit de surveillance, une véritable tornade de câlins commença du côté d'Aaron. Le Cryptéro se précipita vers son nouveau dresseur pour l'enlacer, aussitôt imité par Oze et Nil. La vision quelque peu étrange de deux jumeaux s'enlaçant avec leurs Pokémon fit de nouveau sourire la jeune femme, qui se redressa et se détendit légèrement. Elle les observait en silence quand Oze lui proposa toujours aussi joyeusement de se joindre à eux. Quoi ? Rafaël, absolument pas tactile, leva une main pour refuser gentiment. Non, elle et les câlins... c'était même l'inconnu total.

Thane leva le nez, sembla hésiter un instant, puis il s'approcha du jumeau souriant. Lui qui adorait Oze et qui ne disait jamais non à un câlin, en recevant tellement peu de sa dresseuse, se joignit sans chichis à l'étreinte générale. Et la scène n'en était que plus amusante. Rafaël les fixa un moment, tendrement amusée. Ils n'étaient certes pas ici pour des câlins, mais après tout, dans leur quotidien tellement difficile, ils pouvaient bien s'autoriser quelques pauses de tendresse.
La gitane laissa le moment s'éterniser quelques instants, puis elle décida de le rompre. Il était temps de se reconcentrer sur leur mission, l'heure avançait et ils s'étaient bien éloignés depuis l'arrivée du nouveau Pokémon.

- Je devrais vous prendre en photo, commenta légèrement Rafaël en s'approchant.

La remarque amusée pouvait étonner, venant de la gitane. Cependant loin de s'ajouter au câlin, elle tendit la main pour attraper le poignet d'Aaron et le tirer doucement vers elle. Le garçon ainsi libéré de l'étreinte quelque peu étouffante, ils pouvaient retourner près de la pension Pokémon. Les Pokémon râlèrent un peu pour la forme, mais il était temps de les rappeler à l'ordre.

- Thane. On retourne là-bas.

L'ordre était doux, absolument pas sec ou ferme, pourtant le Pokémon belette s'exécuta aussitôt et revint vers sa dresseuse en gémissant gentiment. Le câlin lui avait plu. Bien entendu, la jeune femme n'avait pas dans l'intention de devenir une bonne petite sbire. Mais plus vite ils retourneraient à la pension, plus vite la mission serait terminée, pensait-elle. Et à vrai dire, elle était épuisée. Et nécessitait sûrement une bonne nuit de sommeil.

Ils retournèrent à leur poste, au côté de la Maison Pokémon, comme si rien ne s'était passé. Comme s'il n'y avait pas eu le câlin, le moment de détente entre leurs Pokémon, la découverte si étonnante du nouveau compagnon d'Aaron. La gitane jeta d'ailleurs un coup d’œil à la chose brillante qui flottait. Ce Pokémon l'intriguait, vraiment. Comme chaque chose qu'elle ne connaissait pas, elle se sentait une âme d'archéologue ou bien de chercheur Pokémon, et il lui semblait urgent de courir se plonger dans un gros bouquin d'histoire pour chercher où et comment ce Pokémon avait pu atterrir ici. Qui il était. Ce qu'il contenait. Comme un trésor.
Et sans nul doute qu'Aaron avait lui aussi vu en ce Pokémon un semblant de trésor, à une échelle différente toutefois. Rafaël n'était intéressée que par la connaissance, le voleur... eh bien, plutôt par l'or justement.

« Je me demande ce qu'il peut bien y avoir d'intéressant...»

En revenant à elle, la jeune femme s'aperçut que son compagnon s'était quelque peu approché de la maison. Elle haussa un sourcil surpris. Souhait-il y entrer ? Ils n'avaient pas reçu cet ordre, et il était évident pour la gitane qu'elle ne ferait rien de plus que ce qu'on lui avait dit de faire. Dans le sens où, c'était déjà assez pénible comme ça, et elle n'allongerait pas la mission. Mais bon, ils n'allaient pas y entrer. … ah si. Le sbire était déjà en train de crocheter la serrure.
Rafaël ouvrit la bouche, l'air incertaine.

- Aaron... souffla-t-elle.

Loin d'être une réprimande, c'était plutôt à prendre comme une question du genre « es-tu sûr de ce que tu fais ? ». Ils étaient seulement censés surveiller les lieux et s'assurer qu'aucun caméra ou vigile ne s'y trouvait. Ils étaient là depuis plus d'une heure déjà, voire plus, et rien. Pourquoi tenter d'aller plus loin ? Aaron avait parfois une telle implication dans la Team, qu'elle ne comprenait pas. Alors, elle s'approcha de lui et posa une main hésitante sur son épaule, comme pour l'interpeller et le ramener à la raison.

- Et si cela réveille les Pokémon endormis à l'intérieur ?

Ils auraient l'air malins, si certains se mettaient à gémir ou aboyer. D'autant plus qu'une flammèche, si petite soit-elle, faisait toujours son effet. Non, c'était le risque de se faire repérer, et c'était son devoir d'arrêter son compagnon de lui, quand bien même elle ne lui donnerait jamais d'ordre.

Spoiler:

Lorsque Aaron s'écarta légèrement, pesant visiblement le pour et le contre, Rafaël osa un léger sourire rassurant. Elle fut satisfaite qu'il l'ai écouté, quand bien même elle savait qu'Aaron ne recevait d'ordres de personne et surtout pas d'elle. Mais la gitane agissait avec sagesse, et lorsque le sbire aurait refréné ses douces ardeurs kleptomanes, il agirait en son sens. Tenter de s'introduire en pleine nuit dans la Maison Pokémon dépassait le cadre de leur mission, et pouvait même en devenir dangereux. Au mieux, ils seraient juste repérés et ils seraient bon pour un sacré savon de la part du lieutenant Rocket, au pire ils pouvaient se faire attaquer par un Pokémon de garde ou même interpellés par la police, qui sait. La Pension avait peut-être une alarme, même si à première vue on ne dirait pas.

Alors, quand Rafaël vit son ami faire marche arrière et refermer les volets de bois, la sbire eut un nouveau sourire rassuré. Après quoi, le sbire se rassit au sol, une moue boudeuse aux lèvres. Il fut aussitôt imité par son jumeau silencieux. À côtés, leurs Pokémon les observaient faire en silence, visiblement intrigués par le comportement parfois incompréhensible des deux humains.

« C'est bien parce que c'est toi. »

Marmonna un peu Aaron, avec le ton d'un enfant prit en faute. Bien qu'il ne prononça pas ces mots de manière audible, la jeune femme les entendit parfaitement dans la nuit, et cela lui arracha un nouveau et léger sourire à la fois rassuré et amusé. Elle attrapa doucement le chapeau du sbire, maintenant à sa hauteur, et le souleva de quelques centimètres. Ainsi, elle pouvait observer de près son visage, et ce fait était plutôt rare. Restait le masque sur ses yeux, mais ça, Aaron ne l'ôtait que très rarement.

- Ne fais pas la tête, dit-elle doucement.

Elle reposa doucement le chapeau de feutre sur son crâne, presque... tendre ? et se redressa. Un peu plus loin, l'étrange Pokémon continuait de flotter, comme inconscient de ce qui pouvait l'entourer. Pas de doute, il rajoutait une sacré touche de couleur à l'équipe d'Aaron. Rafaël regarda Thane, sagement assis contre ses jambes. Comparé à cela, son équipe à elle était plutôt légère. Un Sablaireau discret et un Onix qu'elle ne maîtrisait pas tout à fait. Mais cela la satisfaisait, pour le moment. Soupirant légèrement, Rafaël observa autour d'elle. Il ne faisait pas très chaud, les minutes, les heures passaient, et elle commençait à fatiguer. Jusque quand devaient rester ici, déjà ? Personne ne viendrait les rejoindre. Elle prit alors l'initiative de clore la mission, pour une fois.

- Je vais faire un dernier tour, autour du jardin, au cas où. Je pense que l'on pourra rentrer, après.

Déclara-t-elle à son ami. Loin de là l'envie de devenir un bon sbire, mais autant faire le maximum avant d'enfin pouvoir rentrer, sinon on le lui reprocherait à coup sûr. Elle était fatiguée, elle avait mal partout et ne rêvait que d'un bon lit. Pas que ses nuits étaient faciles ou tranquilles, mais dans l'état où elle était, elle pourrait dormir n'importe où. Ou presque.
Alors elle regarda Aaron, ne sachant pas s'il allait la suivre ou rester tranquillement ici à bouder, puis elle s'éloigna dans la nuit. Thane la suivit, docile et protecteur. Un simple tour, et ils rentreraient, enfin.